Baga Kossivi, du Village d’énergie solaire : « Veso est parti de rien du tout ; je n’avais pour allié que le soleil »

Energies
vendredi, 17 août 2018 17:09
Baga Kossivi, du Village d’énergie solaire : « Veso est parti de rien du tout ; je n’avais pour allié que le soleil »

(Togo First) - Icare qui veut voler tout près du soleil. C’est l’image qui vient à l’esprit lorsqu’on échange  avec Baga Kossivi, promoteur et directeur général de Veso, le Village d’énergie solaire. Rares sont en effet les jeunes entrepreneurs togolais qui s’attaquent aux questions des énergies renouvelables au point de se proposer comme solution alternative, puis comme complément aux services proposés par l’Etat. C’est pourtant ce défi, en apparence fou, que s’est lancé le jeune promoteur, titulaire d’un BTS en électronique, option énergie, qui s’est par la suite renforcé dans les énergies renouvelables. Préoccupé par la question de l’électricité au Togo, il s’inscrit au programme d’appui du Faiej et participe à des concours qu’il remporte pour la plupart, au point de représenter le Togo à l’extérieur. Dans son plan d’ascension, il finit par monter sa structure. Togo First l’a rencontré lors de la tournée ministérielle organisée il y a quelques semaines par les ministres en charge de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes ainsi que celui de la Communication. Fiat Lux ! (Que la lumière soit !)

Togo First : D’où vous est venue l’idée de monter le village solaire ?

Baga Kossivi: Après mes études, j’ai commencé dans une toute petite boîte en tant que stagiaire. J’ai été embauché et j’ai connu une belle progression. Stagiaire, technicien puis chef technicien, directeur technique après et enfin directeur technico-commercial. Il n’y avait plus de poste à prendre au-dessus à part celui du directeur général… Or je voulais passer à cette étape-là. Donc il fallait créer ma propre structure. Après six ans donc, j’ai eu une discussion avec mon supérieur, au cours de laquelle je lui ai fait part de mon projet de lancer ma propre boîte. Il a été compréhensif et je suis donc parti. Pendant mes deux dernières années de travail là-bas, j’ai commencé à mettre Veso en place à la maison, parce que je voulais faire un truc qui innove et qui aide en même temps…

Et une fois parti, j’ai ouvert la structure. Je le précise, j’ai mis la structure en place, avant de chercher le financement. On ne cherche pas le financement d’abord avec l’idée de créer la structure après. Mes jeunes frères commettent ces erreurs aujourd’hui et connaissent des difficultés dans la mise en place de leur structure. Même si leurs idées et projets sont bons. J’ai monté Veso et j’ai pu avoir une idée de mes besoins, des conséquences que telle action engendrerait et ainsi de suite.

La recherche des clients est allée vite parce que dans le domaine, la demande est forte.

Il n’y a presque pas d’électricité après Mission Tové et dans certaines zones alentours, or ce sont ces nouveaux quartiers qui abritent de nombreux salariés et de nombreuses personnes qui ne peuvent pas vivre en ville, vu qu’il n’y a plus de place ou que le loyer y est cher.

Si nous analysons la couverture énergétique sur l’étendue du territoire, vous remarquez que c’est dans les villes que l’électricité se trouve. Et encore. Même les nouveaux quartiers périphériques de Lomé n’ont pas accès à l’électricité. Et c’est difficile pour les populations de vivre au quotidien. Quand on sait que l’énergie joue un grand rôle, si ce n’est le premier moteur du développement d’un pays, cela interpelle. Quand on regarde également les statistiques nationales, près de 60% de la population n’a pas accès à l’électricité.

C’est eu égard à tout cela que je me suis dit que si on a une alternative qui est le soleil, qui nous est offerte gratuitement, pourquoi ne pas la proposer aux couches de populations vulnérables qui vivent dans les zones les plus reculées ? Surtout lorsqu’on sait que ces populations n’ont aucun accès à l’électricité. C’est alors que je me suis lancé dans la mise sur pied de cette structure qui visait principalement à servir les plus défavorisés en leur proposant de l’énergie solaire.

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T.F : Comment les populations ont-elles réagi à votre alternative qu’est l’énergie solaire?

B.K : Positivement. La question de l’énergie concerne tout le monde. Même ceux qui utilisent l’électricité sont concernés par les autres alternatives, pourvu qu’elles soient plus économiques et pas néfastes pour la santé. Donc je n’ai pas eu de difficulté à expliquer ou convaincre les gens avec le sujet. J’ai mis beaucoup de temps à parcourir le terrain et réaliser des sondages, d’autant plus que j’ai eu à travailler dans ce domaine dans une entreprise de la place qui évoluait sur le terrain. J’ai évalué les avantages et l’impact que cela pouvait avoir sur les populations. Donc je peux dire que j’ai eu mes clients avant de démarrer mon entreprise.

T.F : La visite du binôme ministériel chez vous signifie que vous avez bénéficié d’un soutien de la part des institutions de l’Etat. Comment cela s’est-il fait ?

B.K : J’ai été très ébahi lors de leur visite de la dernière fois. Tout ce qui me venait à l’esprit est que Veso a fait se déplacer deux ministres. J’ai été extrêmement ravi de les voir venir s’enquérir de la progression de nos activités.

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Maintenant, pour revenir à la question des financements reçus, je voudrais d’abord remercier avant tout, l’Etat Togolais qui, par le canal du ministère du développement à la base, soutient les entrepreneurs togolais et les aide à monter leurs projets. Veso est parti de rien du tout. Je n’avais pour allié que le soleil.  

J’ai démarré en janvier 2014 et, dans mes recherches de financement, je suis tombé sur le ministère du développement à la base par le biais du Faiej. Cette année, il était organisé des ateliers de formation, qui visaient à permettre aux jeunes entrepreneurs de rédiger un plan d’affaires. Pour la petite histoire, c’est lors de cette formation en Mars 2014 que j’ai entendu pour la première fois les mots « Plan d’affaires ».

On nous avait informés qu’on sélectionnerait les meilleurs projets qu’on enverrait sur un autre programme à portée internationale. A la fin de la formation, on nous a accordé un temps pour rédiger nos projets, ce que j’ai fait et déposé au niveau du Faiej. C’est après que j’ai appris que mon projet avait été retenu parmi les meilleurs et avait été envoyé sur le plan international. A ce niveau, on ne parle plus de crédits à accorder, mais de subventions.

Nous étions 10 sélectionnés et c’est là que Veso a été choisi comme meilleur projet de l’année 2014, ce qui nous a permis de bénéficier de la subvention PPEJ, l’ancien Fonds d’Insertion des Jeunes, à hauteur de 1 800 000 Fcfa en Décembre 2014.
                                         

T.F : Vous avez été lauréat de plusieurs concours et avez pris part à de nombreux évènements qui ont renforcé votre crédibilité au Togo comme à l’extérieur. Pouvez-vous nous en dire plus ?

B.K : Le premier motif de satisfaction est venu avec le Prix PPEJ en 2014. Nous étions plus de 3000 jeunes en formation à l’ENI de Notsè, tous porteurs d’un projet. Le simple fait que Veso ait été déclaré 1er, m’a tellement apporté de joie et de volonté que j’ai décidé de pousser un peu plus loin.

Après cela, nous avons participé au concours du meilleur projet vert, toujours organisé par le ministère du développement à la base par le biais du Faiej et du Pradeb, où nous avons occupé la deuxième place. Nous avons été également 1er prix national et 3ème prix international du « Meilleur Entrepreneur PPEJ » 2016.

Sur le plan international, la cellule ECREEE, qui s’occupe des besoins énergétiques de la zone Cedeao nous a invité pour un renforcement de nos capacités dans le domaine, au Burkina, au Ghana et au Cap-Vert. Après cette série de formations, la cellule a organisé un concours à l’endroit des jeunes qu’elle avait formés, dans le courant 2016, concours où nous avons également remporté le premier prix. Ce sont ces succès rencontrés qui nous ont rendu plus forts et ont conforté notre vision d’avancer et d’aider les autres.

Parlant d’aide, il y a un adage qui dit que « lorsqu’on t’aide à te lever et que tu es debout, tu dois aussi aider un autre à faire pareil. » Nous avons formé à Veso, 145 étudiants. Certains se sont lancés dans leur propre structure et d’autres peinent encore à y arriver. Ce qui est tout à fait normal, parce que le chemin de l’entrepreneuriat est très long et pas facile. Mais à force de persévérance, on finit par y arriver. Nous avons installé sur le territoire près de 13 000 lampadaires solaires qui visent à réduire la consommation électrique et à éclairer les coins les plus reculés.  

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T.F : Que fait Veso concrètement aujourd’hui ?

B.K : A ses débuts, Veso était dans l’étude, la vente et l’installation des équipements solaires. De nos jours, on a grandi. Veso est devenue une Sarl (société à responsabilité limitée). Nous avons quitté l’étape Etablissement pour être une société en bonne et due forme.

Nous avions lancé un appel pour avoir des souscriptions de parts et on en a reçu énormément, mais nous nous sommes juste arrêtés sur 3. Nous avons donc des associés aujourd’hui et c’est devenu plus sérieux.

Pour donc répondre à la question, nous faisons dans le solaire en général. Tout ce qui se rapporte au solaire. Que ça soit l’installation, l’éclairage, public ou pas, le froid associé au solaire ou encore le pompage d’eau également associé pour les mini-adductions d’eau photovoltaïques. Nous installons des kits, des mini-kits et des mini-centrales. Tout dépend du nombre de ménages ou de clients.

Nous faisons de la formation dans le domaine et nous allons sur des projets photovoltaïques. A part cela, Veso s’est spécialisée aussi dans l’électricité-bâtiment. Câblages électriques pour les grands immeubles entre autres. Nous sommes aussi dans la perforation de nappes phréatiques.

D’ici à deux ans, Veso sera équipée de ses propres machines de perforation et nous pourrons alors nous porter sur le marché plus sereinement.

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Nous travaillons avec des partenaires comme Yandalux en Allemagne (spécialisé dans l’électrification rurale, le solaire thermique, l’éclairage solaire, etc…) et le groupe chinois Sunny International Power Corp (fabricant de panneaux photovoltaïques). 

T.F : Le Togo a récemment initié une table ronde des bailleurs de fonds, pour le lancement de sa stratégie d’électrification, rencontre à laquelle a participé l’envoyée spéciale de l’Alliance Solaire Internationale, Ségolène Royal. Que faites-vous à votre niveau pour participer à cette stratégie ?  

B.K : Nous avons aussi participé à cet évènement que vous avez évoqué tout à l’heure, étant donné que nous intervenons sur le plan national sur la question énergétique. Nous avons fait quelques propositions et avons rencontré des bailleurs afin de travailler de concert pour parvenir à cet objectif cher au Chef de l’Etat et au gouvernement. Nous agissons sur le contrôle qualité. Nous aidons les clients à installer le solaire chez eux car ils ont divers moyens de se le procurer. Nous agissons en fonction des besoins du client et nous faisons tout ce que nous pouvons pour le satisfaire et faire en sorte que la lumière soit chez lui.

Nous agissons en compléments de la Ceet (la Compagnie nationale énergétique). Quoi que l’on dise aujourd’hui, il sera difficile pour la Ceet de couvrir l’intégralité du territoire national du jour au lendemain. C’est là que nous intervenons. Nous sommes là pour pallier les limites de la Ceet pour le moment, et c’est réciproque. Le solaire, en tant qu’alternative, n’est pas non plus une fin en soi. Il a aussi ses limites.

T.F : Quelles sont vos ambitions ou vos perspectives sur les 5 ou 10 prochaines années ?

B.K : Asseoir Veso avec une unité de production des panneaux solaires. C’est notre première vision. C’est ce qui nous a poussés à avoir une relation avec un partenaire. Nous sommes en train d’étudier les moyens de fabrication de panneaux au Togo. Cela fera baisser les coûts et engendrera une forte consommation du produit.

Après cela, nous prévoyons d’installer d’autres unités de productions de batteries, de régulateurs, etc… Bref tout ce qui est nécessaire pour notre travail. L’idée est de faire en sorte que Veso soit une référence dans la sous-région en élargissant son champ d’action.

Tout le monde a besoin de l’électricité. Après l’eau, c’est l’électricité, et elle est le moteur de tout développement. Nous sommes en bons termes avec les autorités chargées de la question énergétique au Togo et je pense qu’ensemble, nous pourrons gagner ce pari.

Propos recueillis par Octave A. Bruce (Stagiaire)

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